Micropaléontologie, Paléoécologie et Biostratigraphie des foraminifères du passage Paléocène-Eocène: Impact du réchauffement climatique global

     

paR LAMIA Zili

Thèse de Doctorat

2010

(15 planches, 1-494)

Faculté des Sciences de Tunis

 

Résumé

 Les foraminifères planctoniques et benthiques constituent un important groupe de microfossiles occupant les environnements marins profonds et peu profonds, situés à différentes latitudes. La diversité et l’abondance de ces microoganismes nous offrent une opportunité, non seulement pour la reconstitution des paléoenvironnements, mais aussi pour en déduire les impacts des changements impliquant les divers paramètres paléoécologiques survenus au cours des différentes périodes géologiques et tout particulièrement au cours de l’intervalle du passage Paléocène-Eocène. Ce passage, coïncide avec un épisode de réchauffement climatique global (IETM), initié dès la base de l’Eocène fixée à 55,5 millions d’années. Cet événement climatique est considéré comme étant le plus important réchauffement du Cénozoïque. Etant rapide et de courte durée (quelques 100ky), ce réchauffement affectant les eaux océaniques profondes et peu profondes, a engendré des bouleversements notoires dans les associations des foraminifères planctoniques et benthiques à l’échelle globale. Quel a été alors l’impact de ce réchauffement sur ces foraminifères ?

  Concernant les foraminifères planctoniques, habitant les eaux photiques de la masse d’eau, le réchauffement des eaux de surface a été favorable pour l’épanouissement de certains groupes tels que les Acarinina. Ainsi, plusieurs espèces de ce genre ont apparu à la limite P/E notamment Acarininaberggreni, A. sibaiyaensis. L’apparition de cette dernière espèce, considérée tout récemment, comme marqueur biostratigraphique de la première biozone de l’Eocène (E1), elle s’est effectuée avant l’extinction de l’espèce index Morozovella velascoensis (ancien marqueur de la limite P/E). En outre, l’apparition de l’espèce A. sibaiyaensis coïncide avec un intervalle marqué par une anomalie isotopique négative δ¹³C (CIE). Cette anomalie a été enregistrée dans de nombreuses régions, notamment dans les environnements profonds, telle que la coupe de Zumaya (Espagne) et moins profond comme le stratotype de la limite P/E qui est la coupe de Dababiya en Egypte. En outre, même dans les coupes que nous avons étudiées de la Tunisie méridionale, caractérisant les environnements peu profonds (Coupe Selja et Rich Enaam), l’apparition de l’espèce A. sibaiyaensis indique une bathycroissance en liaison avec une transgression généralisée.  

 Parmi les foraminifères benthiques à test calcitique, certaines espèces habitant l’interface eau/sédiment, ont vu subir des extinctions réelles. Toutefois, certaines autres espèces ont subi des disparitions temporaires ou des migrations se traduisant par des disparitions locales suite aux changements des paramètres paléoécologiques survenus lors du réchauffement IETM. Dans les coupes de Zumaya et de Caravaca (en Espagne), ces extinctions sont graduelles et de courte durée (BFGE), suivies d’un intervalle de dissolution intense. Toutefois, dans les coupes levées en Tunisie, les extinctions des espèces de foraminifères benthiques à la limite P/E ne sont pas aussi prononcées. Cet intervalle caractérisant le BFGE et l’intervalle de la dissolution des carbonates sont moins développés. Ainsi, le modèle des extinctions graduelles BFGE caractérise plus les coupes situées plus à l’ouest, c'est-à-dire dans le secteur occidental du bassin téthysien (Caravaca au sud de l’Espagne) et dans le secteur oriental de l’océan atlantique (Zumaya au nord de l’Espagne). Ceci indique une influence particulière de l’océan Atlantique sur le comportement des foraminifères benthiques au cours de l’intervalle du réchauffement climatique IETM. 

 Quant aux foraminifères benthiques à test agglutiné, ils montrent une augmentation dans leur abondance relative, coïncidant avec la prolifération des Acarinina dans toutes les coupes levées en Tunisie et en Espagne. Ce doublet de pics d’abondance (AApick) est considéré comme caractéristique de l’intervalle du réchauffement climatique survenu à la base de l’Eocène.